Malamute

Au vu de mes lectures actuelles, il faut croire que j’ai manqué de flocons cet hiver. Après Blizzard de Marie Vingtras, voici venir Malamute de Jean-Paul DIDIERLAURENT. Neige, froid, passé lourd à porter, etc. Les deux se rejoignent sur de nombreux points malgré un récit différent.

Résumé : Habitué à sa solitude au cœur des Vosges, le vieux Germain se voit imposer pour l’hiver un colocataire encombrant : Basile, la trentaine, saisonnier au passé trouble. Au même moment, une jeune femme s’installe dans la ferme voisine. Elle espère comprendre ce qui aurait poussé ses parents à quitter précipitamment le village trente ans plus tôt. Alors que des secrets refont surface et que des liens se nouent, une tempête de neige s’abat sur la vallée…
(Gallimard)

Avis : Par sa plume descriptive et poétique, l’auteur entraîne le lecteur dans le froid des Vosges au cœur d’un paysage reculé et enneigé. Il met les éléments naturels à l’honneur en usant de synonymes et de métaphores. Mais la nature, aussi belle soit-elle, est difficile à apprivoiser tout comme le cœur des habitants d’un petit village. Pavlina et Dragan en font les frais lorsqu’ils s’installent à La Voljoux des rêves plein la tête. Ces derniers sont brisés avant même d’avoir commencé ; les villageois empêchant leur réalisation au seul motif que leurs propriétaires sont étrangers. Le rejet des nouveaux arrivants est immédiat, sans aucune chance de s’intégrer. Les pages du journal de Pavlina, parsemés dans le récit, démontrent le grand écart entre l’arrivée du couple et leur départ précipité où l’espoir fait place à la fatalité. Il est douloureux de partager cette meurtrissure au côté de cette femme. Outre les parenthèses personnelles de ce couple, le liseur fait connaissance avec de nombreux personnages au caractère affirmé dont trois principaux : Germain, Basile et Emmanuelle. Trois solitudes. Certains enfouissent des secrets sous leur carapace revêche quand d’autres cherchent à en déterrer. L’ensemble donne un chassé-croisé de destins qui se rejoignent malgré eux. L’histoire de chacun des protagonistes est touchante voire bouleversante entre l’absence d’amour de la part de parents et une culpabilité qui vous hante ou vous ronge.
Deux révélations clôturent ce récit dont la conclusion est envoutante. Jusqu’à la dernière ligne, l’auteur prouve son talent de conteur avec un texte tragiquement beau. Si l’une des confidences est attendue, l’autre ne l’est pas et, lors de sa découverte, l’objet livre prend consistance entre les mains du liseur : titre, couverture. C’est un instant très spécial, un moment important, un éclair percutant !
Des hauts et des bas rythment l’intrigue. L’esprit du lecteur en profite pour s’évader et celui-ci décroche un court instant des lignes qu’il parcourt. Malgré cela, l’ensemble de la découverte est agréable et émouvante. Un bon roman !

Citations : – « Le Russkoff. J’ai détesté ce mot jailli de la bouche de cette femme, j’aurais aimé pouvoir le saisir comme on attrape un insecte pour l’écraser de mon talon, le réduire à néant avant qu’il ne s’échappe et n’aille voler d’oreille à oreille en distillant toute la haine que ce genre de mot contient. Le russkoff, comme on dit le bougnoule, le youpin, le négro, le boche, le rital, le rosbif, le manouche, le basané, le pédé, autant de noms pour désigner tous ces autres qui font peur avec leurs différences. »

– « La Bible restait à ses yeux le meilleur livre qu’il ait jamais lu. Un super-héros, du suspense, une pointe de fantastique, un soupçon de violence et de l’amour à profusion, tous les ingrédients réunis pour faire une bonne histoire. »

– « Les chiffres peuvent être plus forts que les rêves. »

Référence : Malamute / Jean-Paul Didierlaurent (Gallimard ; Folio : 7130)

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